CITATIONS
âLe mariage est la cause principale de divorce.â - Oscar Wilde
âLe mariage rĂ©vĂšle le masochiste qui sommeille en vous.â - RĂ©gis Hauser / Les murs se marrent
âTraite des nĂšgres : lâesclavage. Traite des blanches : le mariage.â - V. Hugo / OcĂ©an prose, 1856
âLe mariage câest la mort de lâespoir.â - Woody Allen
LA FEMME LA PLUS MARIĂE
Relativité des actes et des besoins........................................................................ 3
Conscience et Ă©volution........................................................................................ 3
Ma position sur le mariage................................................................................... 4
DĂ©pendance et Ă©panouissement personnel........................................................... 4
Le mariage est contraire Ă lâĂ©panouissement de lâindividu................................. 5
Lâinstinct de reproduction.................................................................................... 6
La reproduction et les autres besoins humains.................................................... 6
Lâhypocrisie sexuelle des femmes....................................................................... 7
Les effets catastrophiques de la cohabitation...................................................... 8
Deux exemples..................................... .............................................................. 8
LâĂ©ducation des enfants....................................................................................... 9
âLe mariage est la cause principale de divorce.â - Oscar Wilde
âLe mariage rĂ©vĂšle le masochiste qui sommeille en vous.â - RĂ©gis Hauser / Les murs se marrent
âTraite des nĂšgres : lâesclavage. Traite des blanches : le mariage.â - V. Hugo / OcĂ©an prose, 1856
âLe mariage câest la mort de lâespoir.â - Woody Allen
LA FEMME LA PLUS MARIĂE
Linda Wolfe, ĂągĂ©e de 68 ans, est officiellement la femme la plus mariĂ©e de l'histoire. Elle s'est unie⊠23 fois ! Cette grand-mĂšre amĂ©ricaine est ainsi entrĂ©e dans le livre Guiness des records. Linda Wolfe a Ă©tĂ© mariĂ©e pour la premiĂšre fois Ă l'Ăąge de 16 ans et aurait depuis dĂ©veloppĂ© une "addiction Ă l'amour", selon ses dĂ©clarations au quotidien britannique The Telegraph. Elle avoue ĂȘtre incapable de nommer ses Ă©poux dans l'ordre. Son plus long mariage - le premier - a durĂ© 7 ans, contre 36 heures pour le plus court. Parmi ses conquĂȘtes, on compte un dĂ©tenu, un pasteur, des plombiers ou encore des musiciens. Deux d'entre eux se sont avĂ©rĂ©s homosexuels et deux autres l'ont trompĂ©e, ce qui pourrait expliquer les divorces qui en ont dĂ©coulĂ©. Linda Wolfe a aussi Ă©tĂ© mariĂ©e trois fois au mĂȘme homme. Sa derniĂšre union avec Glynn Wolf nâĂ©tait quâun coup de publicitĂ©. Ce dernier Ă©tant l'homme le plus mariĂ© du monde avec⊠29 Ă©pouses Ă son actif.
Source : https://www.elle.fr/Societe/News/Record-du-monde-une-femme-mariee-23-fois-840792
LA STAR LA PLUS MARIĂE
La star la plus mariée est sans conteste Elizabeth Taylor, qui a connu 8 mariages... avec 7 époux différents puisqu'elle a épousé deux fois Richard Burton.
- Sa premiĂšre union dure Ă peine plus d'un an, entre 1950 et 1951, avec Conrad Hilton Junior, hĂ©ritier des hĂŽtels du mĂȘme nom.
- Elle s'engage à nouveau en 1952 auprÚs de l'acteur Michael Wilding, avec qui elle aura deux enfants. Le couple connaßt alors des moments difficiles et elle met fin à cette union en janvier 1957 aprÚs avoir rencontré Michael Todd, producteur de cinéma.
- Michael Todd et Elizabeth Taylor se marient en février 1957 et donnent naissance à une petite fille. Malheureusement, sept mois plus tard, en mars 1958, le producteur se tue dans un accident d'avion.
- AprĂšs le dĂ©cĂšs de son 3e Ă©poux, Elizabeth Taylor se rapproche du chanteur Eddie Fisher, le meilleur ami de Michael Todd. Mais il est dĂ©jĂ mariĂ©. Aux yeux de l'AmĂ©rique, elle passe du statut de veuve Ă©plorĂ©e Ă celui de briseuse de couple. Eddie et Elizabeth se marient quand mĂȘme en 1959.
- En 1963, l'actrice tourne le film ''Cléopùtre'', aux cÎtés de l'acteur Richard Burton. Les deux acteurs, mariés chacun de leur cÎté, entretiennent alors une liaison qui ne restera pas cachée longtemps. Elizabeth divorce d'Eddie en mars 1964, et épouse Richard Burton dans la foulée, 9 jours aprÚs. Le couple décide de se séparer en juin 1974, puis choisit de se remarier en octobre 1975. Finalement, en juillet 1976, Richard Burton et Elizabeth Taylor se séparent définitivement.
- Elizabeth Taylor épouse par la suite le sénateur John Warner, avec qui elle reste mariée de décembre 1976 à novembre 1982.
- AprÚs une longue période de célibat, elle se marie une huitiÚme et derniÚre fois, d'octobre 1991 à octobre 1996, avec Larry Fortensky, un riche industriel qui lui offre l'un des mariages les plus chers de l'histoire.
Source : https://www.planet.fr/magazine-people-les-stars-les-plus-mariees.18901.1468.html
Source : https://www.planet.fr/magazine-people-les-stars-les-plus-mariees.18901.1468.html
LE MARIAGE EST UNE MAUVAISE ACTION
par Voltairine de Cleyre - 1907
Traduction de Yves Coleman.
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Table des matiĂšres
Relativité des actes et des besoins........................................................................ 3
Conscience et Ă©volution........................................................................................ 3
Ma position sur le mariage................................................................................... 4
DĂ©pendance et Ă©panouissement personnel........................................................... 4
Le mariage est contraire Ă lâĂ©panouissement de lâindividu................................. 5
Lâinstinct de reproduction.................................................................................... 6
La reproduction et les autres besoins humains.................................................... 6
Lâhypocrisie sexuelle des femmes....................................................................... 7
Les effets catastrophiques de la cohabitation...................................................... 8
Deux exemples..................................... .............................................................. 8
LâĂ©ducation des enfants....................................................................................... 9
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(Cette conférence présente un point de vue négatif sur le mariage et constitue une réponse au plaidoyer de la Dr Henrietta P. Westbrook en faveur de cette institution - plaidoyer intitulé « Le mariage est une bonne action ». Les deux conférences ont été prononcées dans les locaux de la Radical Liberal League, à Philadelphie le 28 avril 1907.)
Laissez-moi tout dâabord Ă©claircir deux points, dĂšs le dĂ©part. Ainsi, lorsque la discussion dĂ©butera, nous pourrons nous concentrer sur lâessentiel.
1) Comment peut-on distinguer entre une bonne et une mauvaise action ?
2) Quelle est ma définition du mariage ?
Relativité des actes et des besoins
DâaprĂšs ma comprĂ©hension du puzzle de lâunivers, aucun acte nâest, Ă mon avis, totalement juste ou mauvais. Tout jugement que lâon porte sur un acte est relatif : il dĂ©pend de lâĂ©volution sociale des ĂȘtres humains qui progressent consciemment, mais trĂšs lentement, par rapport au reste de lâunivers. Le bien et le mal sont des conceptions sociales â et non humaines. Les mots de bien et de mal ont certes Ă©tĂ© inventĂ©s par des hommes ; mais les conceptions du bien et du mal, obscurĂ©ment ou clairement, ont Ă©tĂ© conçues avec plus ou moins dâefficacitĂ© par tous les ĂȘtres sociaux intelligents. La dĂ©finition du Bien, entĂ©rinĂ©e et approuvĂ©e par la conduite admise des ĂȘtres sociaux, est la suivante : est considĂ©rĂ© comme juste le comportement qui sert le mieux les besoins en dĂ©veloppement dâune sociĂ©tĂ© donnĂ©e.
Mais quâest-ce quâun besoin ? Dans le passĂ©, les besoins Ă©taient surtout dĂ©terminĂ©s par la rĂ©action inconsciente de la structure (sociale ou individuelle) Ă la pression du milieu. JusquâĂ rĂ©cemment, je pensais encore comme Huxley,1 Von Hartman2 et mon professeur Lum,3 que le besoin Ă©tait dĂ©terminĂ© par la pression du milieu ; que la conscience pouvait percevoir, obĂ©ir ou sâopposer, mais quâelle ne pouvait influencer le cours du dĂ©veloppement social ; et que, si elle dĂ©cidait de sây opposer, elle ne faisait que provoquer sa propre ruine, mais ne modifiait pas lâidĂ©al inconsciemment dĂ©terminĂ©.
Conscience et Ă©volution
Ces derniĂšres annĂ©es, jâen suis arrivĂ©e Ă la conclusion que la conscience prend une part de plus en plus importante dans lâorientation des problĂšmes sociaux ; si elle est, pour le moment, une voix mineure (et le restera encore longtemps), elle reprĂ©sente cependant un pouvoir croissant qui menace de renverser les vieux processus et les vieilles lois, de les remplacer par dâautres pouvoirs et dâautres idĂ©aux. Je ne connais pas de perspective plus fascinante que celle du rĂŽle de la conscience dans lâĂ©volution prĂ©sente et Ă venir. Ce nâest pas lâobjet de notre rĂ©flexion aujourdâhui. Je nâĂ©voque la conscience que parce que, en dĂ©crivant notre conception actuelle du bien-ĂȘtre, jâavancerai de nouveau lâhypothĂšse que le vieil idĂ©al a Ă©tĂ© considĂ©rablement modifiĂ© par des rĂ©actions inconscientes.
La question devient alors : quel est lâidĂ©al en germe dans notre sociĂ©tĂ©, idĂ©al qui nâest pas encore consciemment formulĂ© mais dont on perçoit des signaux et que lâon commence Ă discerner ?
DâaprĂšs tous les indicateurs du progrĂšs, cet idĂ©al me semble ĂȘtre la libertĂ© de lâindividu ; une sociĂ©tĂ© dont lâorganisation Ă©conomique, politique, sociale et sexuelle assurera et augmentera constamment les possibilitĂ©s de ses diffĂ©rents Ă©lĂ©ments ; dont la solidaritĂ© et la continuitĂ© dĂ©pendront de lâattraction libre de ses composantes, et en aucun cas ne reposera sur lâobligation, quelles quâen soient les formes. Si vous ne dĂ©celez pas, comme moi, que telle est la tendance sociale actuelle, vous ne serez sans doute pas dâaccord avec le reste de ma dĂ©monstration. Car il serait trop facile de prouver que le maintien des vieilles divisions de la sociĂ©tĂ© en classes, chacune dâelles accomplissant des fonctions spĂ©cialisĂ©s â prĂȘtres, militaires, ouvriers, capitalistes, domestiques, Ă©leveurs, etc. â que ce maintien, donc, est en accord avec la force croissante de la sociĂ©tĂ©, et donc que le mariage est une bonne action.
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Ma position, le point de dĂ©part Ă partir duquel je mesurerai une bonne ou une mauvaise action, est la suivante : la tendance sociale actuelle sâoriente vers la libertĂ© de lâindividu, ce qui implique la rĂ©alisation de toutes les conditions nĂ©cessaires Ă lâavĂšnement de cette libertĂ©.
Second point :
Ma position sur le mariage
Il y a quinze ou dix-huit ans, je nâĂ©tais pas encore sortie du couvent depuis assez longtemps pour avoir oubliĂ© ses enseignements. Je nâavais pas encore assez vĂ©cu ni accumulĂ© assez dâexpĂ©riences pour fabriquer mes propres dĂ©finitions. Pour moi, le mariage Ă©tait « un sacrement de lâEglise » ou bien « une cĂ©rĂ©monie civile patronnĂ©e par lâEtat », permettant Ă un homme et une femme de sâunir pour la vie, Ă moins quâils demandent Ă un tribunal de prononcer leur sĂ©paration. Avec toute lâĂ©nergie dâune libre-penseuse nĂ©ophyte, je critiquais le mariage religieux parce quâun prĂȘtre nâa absolument aucun droit dâintervenir dans la vie privĂ©e des individus ; je condamnais lâexpression « jusquâĂ ce que la mort nous sĂ©pare », car cette promesse immorale rend une personne esclave de ses sentiments actuels et dĂ©termine tout son avenir ; je dĂ©nonçais la misĂ©rable vulgaritĂ© des cĂ©rĂ©monies religieuse et civile, qui mettent les relations intimes entre deux individus au centre de lâattention publique, des commentaires et des plaisanteries.
Je dĂ©fends toujours ces positions. Rien ne me rĂ©vulse plus que le prĂ©tendu sacrement du mariage ; il est une insulte Ă la dĂ©licatesse parce quâil proclame aux oreilles du monde entier une affaire strictement privĂ©e. Ai-je besoin de rappeler, par exemple, la littĂ©rature indigne qui circula sur le mariage dâAlice Roosevelt,4 lorsque la prĂ©tendue « princesse amĂ©ricaine » fut lâobjet de plaisanteries obscĂšnes incessantes, parce que le monde entier devait ĂȘtre informĂ© de son futur mariage avec Mr. Longworth !
DĂ©pendance et Ă©panouissement personnel
Mais aujourdâhui ce nâest ni au mariage civil ni au mariage religieux que je me rĂ©fĂšre, lorsque jâaffirme : « Le mariage est une mauvaise action. » La cĂ©rĂ©monie elle-mĂȘme nâest quâune forme, un fantĂŽme, une coquille vide. Par mariage, jâentends son contenu rĂ©el, la relation permanente entre un homme et une femme, relation sexuelle et Ă©conomique qui permet de maintenir la vie de couple et la vie familiale actuelle. Je me moque de savoir sâil sâagit dâun mariage polygame, polyandre or monogame. Peu mâimporte quâil soit cĂ©lĂ©brĂ© par un prĂȘtre, un magistrat, en public ou en privĂ©, ou quâil nây ait pas le moindre contrat entre les Ă©poux. Non, ce que jâaffirme câest quâune relation de dĂ©pendance permanente nuit au dĂ©veloppement de la personnalitĂ©, et câest cela que je combats. Maintenant, mes opposants savent sur quel terrain je me situe.
Dans le passĂ©, il mâest arrivĂ© de plaider de façon effusive et sincĂšre pour lâunion exclusive entre un homme et une femme, tant quâils sont amoureux. Et je pensais que cette union devrait ĂȘtre dissoute lorsque lâun ou lâautre le dĂ©sirerait. Ă cette Ă©poque jâexaltais les liens de lâamour â et seulement ceux-lĂ .
Aujourdâhui, je prĂ©fĂšre un mariage fondĂ© uniquement sur des considĂ©rations strictement financiĂšres Ă un mariage fondĂ© sur lâamour. Non pas parce que je mâintĂ©resse le moins du monde Ă la pĂ©rennitĂ© du mariage, mais parce que je me soucie de la pĂ©rennitĂ© de lâamour. Le moyen le plus facile, le plus sĂ»r et le plus rĂ©pandu de tuer lâamour est le mariage â le mariage tel que je lâai dĂ©fini. La seule façon de prĂ©server lâamour dans la condition extatique qui lui vaut de bĂ©nĂ©ficier dâune appellation spĂ©cifique â sinon ce sentiment relĂšve du dĂ©sir ou de lâamitiĂ© â, la seule façon, disais-je, de prĂ©server lâamour est de maintenir la distance. Ne jamais permettre que lâamour soit souillĂ© par les mesquineries indĂ©centes dâune intimitĂ© permanente. Mieux vaut mĂ©priser tous les jours votre ennemi que mĂ©priser la personne que vous aimez.
Ceux qui ne connaissent pas les raisons de mon opposition aux formes lĂ©gales et sociales vont sans doute sâexclamer : « Alors, vous voulez donc en finir avec toute relation entre les sexes ? Vous souhaitez que la terre ne soit plus peuplĂ©e que de nonnes et de moines ? » Absolument pas. Je ne mâinquiĂšte pas de la repopulation de la Terre, et je ne verserais aucune larme si lâon mâapprenait que le dernier ĂȘtre humain venait de naĂźtre.
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Mais je ne prĂȘche pas pour autant lâabstinence sexuelle totale. Si les avocats du mariage devaient simplement plaider contre lâabstinence totale, leur tĂąche serait aisĂ©e. Les statistiques de la folie, et de toutes sortes dâaberrations, constitueraient Ă elles seules un solide Ă©lĂ©ment Ă charge. Non, je ne crois pas que lâĂȘtre humain moralement le plus Ă©levĂ© soit un individu asexuĂ©, ni dâailleurs une personne qui, au nom de la religion ou de la science, extirpe violemment ses passions.
Je souhaiterais que les gens considĂšrent leurs instincts normaux, dâune façon normale, quâils ne les gavent pas mais ne les rationnent pas non plus, quâils nâexaltent pas leurs vertus au-delĂ de leur utilitĂ© vĂ©ritable et ne les dĂ©noncent pas non plus comme les servantes du Mal, deux attitudes trĂšs rĂ©pandues en ce qui concerne la passion sexuelle. En bref, je souhaiterais que les hommes et les femmes organisent leurs vies de telle façon quâils puissent ĂȘtre toujours, Ă toute Ă©poque, des ĂȘtres libres, sur ce plan-lĂ comme sur dâautres. Chaque individu doit fixer des limites Ă ses instincts, ce qui est normal pour lâun Ă©tant excessif pour lâautre, et ce qui est excessif Ă une pĂ©riode de lâexistence Ă©tant normal Ă une autre. En ce qui concerne les effets de la satisfaction normale dâun appĂ©tit normal sur la population, je pense quâil faut contrĂŽler consciemment ces effets, comme ils le sont dĂ©jĂ , dans une certaine mesure, aujourdâhui, et le seront de plus en plus, au fur et Ă mesure que progresseront nos connaissances. Le taux de natalitĂ© en France et aux Etats-Unis (chez les AmĂ©ricains nĂ©s en AmĂ©rique) montre le dĂ©veloppement dâun tel contrĂŽle conscient des naissances.
Le mariage est contraire Ă lâĂ©panouissement de lâindividu
« Mais, diront les partisans du mariage, quâest-ce qui, dans le mariage, entrave le libre dĂ©veloppement de lâindividu ? Que signifie le libre dĂ©veloppement de lâindividu, sâil nâest pas lâexpression de la masculinitĂ© et de la fĂ©minitĂ© ? Quây a-t-il de plus essentiel pour ces deux Ă©lĂ©ments que dâĂȘtre parent et dâĂ©duquer des enfants ? Le fait que lâĂ©ducation dâun enfant dure de 15 Ă 20 ans nâest-il pas le facteur essentiel qui dĂ©termine lâexistence dâun foyer permanent ? »
Ce type dâargumentation est avancĂ© par les partisans du mariage ayant lâesprit scientifique. Ceux qui ont lâesprit religieux invoquent la volontĂ© de Dieu, ou dâautres raisons mĂ©taphysiques. Je ne rĂ©pondrai pas Ă ces derniers. Je mâintĂ©resserai aujourdâhui seulement Ă ceux qui prĂ©tendent que, lâHomme Ă©tant le dernier maillon de lâĂ©volution, les nĂ©cessitĂ©s de chaque espĂšce qui dĂ©terminent des relations sociales et sexuelles entre espĂšces alliĂ©es façonnent et dĂ©terminent ces relations chez lâHomme ; selon eux, si, chez les animaux supĂ©rieurs, la durĂ©e de lâapprentissage dĂ©termine la durĂ©e de la conjugalitĂ©, alors lâune des plus grandes rĂ©ussites de lâHomme est dâavoir considĂ©rablement Ă©tendu la durĂ©e de lâapprentissage, et donc de sâĂȘtre fixĂ© pour idĂ©al une relation familiale permanente.
Ce nâest que lâextension consciente de ce que lâadaptation inconsciente, ou peut-ĂȘtre semi-consciente, a dĂ©jĂ dĂ©terminĂ© pour les animaux supĂ©rieurs, et en partie chez les espĂšces sauvages. Si les habitants dâun pays sont raisonnables, sensibles et contrĂŽlent leurs instincts (avec les autres peuples, ils maintiendront de toute façon leurs distances, quelles que soient les circonstances), le mariage ne permet-il pas dâatteindre ce grand objectif de la fonction sociale Ă©lĂ©mentaire, qui est en mĂȘme temps une exigence essentielle pour le dĂ©veloppement individuel, mieux quâaucun autre mode de vie ? MalgrĂ© toutes ses imperfections, nâest-ce pas le meilleur mode de vie que lâon ait trouvĂ© jusquâĂ prĂ©sent ?
En essayant de prouver la thĂšse inverse, je ne mâintĂ©resserai pas aux Ă©checs patents du mariage. Cela ne mâintĂ©resse pas de dĂ©montrer que de nombreux mariages Ă©chouent ; les archives des tribunaux le prouvent abondamment. Mais de mĂȘme quâune hirondelle (ni un vol dâhirondelles) ne fait pas le printemps, le nombre de divorces, en lui-mĂȘme, ne prouve pas que le mariage est une mauvaise chose, il dĂ©montre seulement quâun nombre important dâindividus commettent des erreurs. Cet argument est un argument inattaquable contre lâindissolubilitĂ© du mariage mais pas contre le mariage lui-mĂȘme.
Aujourdâhui, je mâintĂ©resserai aux mariages heureux â les mariages au sein desquels, quelles que soient les frictions, lâhomme et la femme ont passĂ© beaucoup de moments agrĂ©ables ensemble ; des mariages oĂč la famille a vĂ©cu grĂące au travail honnĂȘte, dĂ©cemment payĂ© (dans les limites du salariat) du pĂšre, et prĂ©servĂ©e par le souci dâĂ©conomie et les soins de la mĂšre ; oĂč les enfants ont reçu une bonne Ă©ducation et ont dĂ©marrĂ© dans la vie sans problĂšme, et oĂč leurs parents ont continuĂ© Ă vivre sous le mĂȘme toit pour finir leur vie ensemble, chacun Ă©tant assurĂ© que lâautre reprĂ©sente un(e) ami(e) qui lui sera fidĂšle jusquâĂ la mort. Telle est, dâaprĂšs moi, le meilleur type de mariage possible, et il sâagit plus souvent dâun doux rĂȘve que dâune rĂ©alitĂ©. Mais parfois il rĂ©ussit Ă se rĂ©aliser. Je maintiens nĂ©anmoins que, du point de vue de lâobjectif de la vie, câest-Ă -dire du libre dĂ©veloppement de lâindividu, ceux qui ont rĂ©ussi leur mariage ont menĂ© une vie moins rĂ©ussie que ceux qui ont eu une vie moins heureuse.
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Lâinstinct de reproduction
En ce qui concerne le premier point (le fait que lâĂ©ducation des parents serait lâune des nĂ©cessitĂ©s fondamentales de lâexpression de la personnalitĂ©), je pense que la conscience va bouleverser les mĂ©thodes de la vie. La vie, qui opĂšre inconsciemment, cherchait aveuglĂ©ment Ă se prĂ©server par la reproduction, par la reproduction multiple. Notre esprit est chaque fois bouleversĂ© par la productivitĂ© dâun seul grain de blĂ©, dâun poisson, dâune reine des abeilles ou dâun homme. Nous sommes frappĂ©s par le gĂąchis Ă©pouvantable de lâeffort reproductif ; paralysĂ©s par une pitiĂ© impuissante pour les petites choses, le nombre infini de ces petites vies qui doivent naĂźtre, souffrir et mourir de faim, de froid, ou parce quâelles servent de proies pour dâautres crĂ©atures, et tout cela dans un seul but : afin que, au sein dâune multitude, seule une petite minoritĂ© survive et perpĂ©tue lâespĂšce ! En guerre contre la nature, lâhomme, qui nâen est pas encore maĂźtre, a obĂ©i au mĂȘme instinct et, en procrĂ©ant de façon prolifique, il a poursuivi sa guerre.
Pour le patriarche hĂ©breu de lâAntiquitĂ© comme pour le pionnier amĂ©ricain, une grande famille Ă©tait synonyme de force, de richesse en bras et en muscles et reprĂ©sentait un moyen de poursuivre sa conquĂȘte des forĂȘts et des terres vierges. CâĂ©tait sa seule ressource contre lâanĂ©antissement. Câest pourquoi lâinstinct de reproduction a Ă©tĂ© lâun des moteurs dĂ©terminants de lâaction humaine.
Tout instinct obĂ©it Ă une loi : il survit longtemps aprĂšs la disparition du besoin qui lâa crĂ©Ă©, et cette loi agit de façon perverse. Cet instinct qui survit fait partie de la structure de lâĂȘtre humain, il nâest pas obligĂ© de se justifier ni forcĂ© dâĂȘtre satisfait. Je suis persuadĂ©e, nĂ©anmoins, que plus la conscience des hommes se dĂ©veloppe, ou, en dâautres termes, plus nous devenons conscients des conditions de la vie et de nos relations dans ce cadre, de leurs nouvelles exigences et de la meilleure façon de les satisfaire, plus les instincts inutiles se dissocieront rapidement de la structure de lâĂȘtre humain.
Comment se prĂ©sente la guerre contre la nature aujourdâhui ? Pourquoi, alors que nous sommes presque au bord dâune catastrophe planĂ©taire, sommes-nous certains de la conquĂ©rir ? La conscience ! La puissance du cerveau ! La force de la volontĂ© ! Lâinvention, la dĂ©couverte, la maĂźtrise des forces cachĂ©es. Nous ne sommes plus obligĂ©s dâagir aveuglĂ©ment, de chercher sans cesse Ă propager lâespĂšce pour fournir Ă lâhumanitĂ© des chasseurs, des pĂȘcheurs, des bergers, des agriculteurs et des Ă©leveurs. Par consĂ©quent, le besoin initial, qui a crĂ©Ă© lâinstinct de reproduction prolifique, a disparu ; il est vouĂ© Ă disparaĂźtre, il est en train de mourir, mais il disparaĂźtra plus rapidement si les hommes comprennent de mieux en mieux la situation globale.
Plus les cerveaux ont une production prolifique, plus les idĂ©es sâĂ©tendent, se multiplient et conquiĂšrent de pouvoir, plus la nĂ©cessitĂ© dâune reproduction physique abondante dĂ©cline. Tel est mon premier point. Donc lâĂ©panouissement de lâindividu nâimplique plus nĂ©cessairement dâavoir de nombreux enfants, ni mĂȘme dâen avoir un seul. Je ne veux pas dire que, bientĂŽt, plus personne ne voudra avoir dâenfants, et je ne prophĂ©tise pas le suicide de lâespĂšce humaine. Simplement, je pense que moins dâhommes et de femmes naĂźtront, plus il y aura de chances que ceux-ci survivent, se dĂ©veloppent et rĂ©alisent de projets. En fait, la confrontation entre ces diffĂ©rentes tendances a dĂ©jĂ amenĂ© la conscience sociale actuelle Ă prendre cette direction.
La reproduction et les autres besoins humains
Supposons que la majoritĂ© des hommes et des femmes dĂ©sirent encore, ou mĂȘme, allons plus loin, admettons que la majoritĂ© dĂ©sirent encore se reproduire de façon limitĂ©e, la question est maintenant la suivante : ce besoin est-il essentiel au dĂ©veloppement de lâindividu ou y a-t-il dâautres besoins tout aussi impĂ©rieux ? Sâil en existe dâautres, aussi essentiels, ne doit-on pas les prendre Ă©galement en compte lorsque lâon veut dĂ©cider de la meilleure maniĂšre de conduire sa vie?
[page 6]
Sâil nâexiste pas dâautres besoins aussi vitaux, ne doit-on pas quand mĂȘme se demander si le mariage est le meilleur moyen dâassurer lâĂ©panouissement de lâindividu ? En rĂ©pondant Ă ces questions, je pense quâil sera utile de distinguer entre la majoritĂ© et la minoritĂ©.
Pour une minoritĂ©, lâĂ©ducation des enfants reprĂ©sentera le besoin dominant de leur vie tandis que, pour une majoritĂ©, cela constituera seulement un besoin parmi dâautres. Et quels sont ces autres besoins ? Les autres besoins physiques et spirituels ! Le dĂ©sir de manger, de sâhabiller et de se loger en fonction du goĂ»t de chaque individu ; le dĂ©sir dâavoir des relations sexuelles et pas en vue de la reproduction ; les dĂ©sirs artistiques ; le besoin de connaissances, avec ses milliers de ramifications, qui emportera peut-ĂȘtre lâĂąme des profondeurs du concret jusquâaux hauteurs de lâabstraction ; le dĂ©sir de faire, câest-Ă -dire dâimprimer sa volontĂ© sur la structure sociale, quâil sâagisse dâun ingĂ©nieur mĂ©canicien, dâun conducteur de moissonneuse-batteuse ou dâun interprĂ©teur de rĂȘves â quelle que soit lâactivitĂ© personnelle.
Le dĂ©sir de se nourrir, se loger et se vĂȘtir devrait toujours reposer sur le pouvoir de chaque individu de satisfaire soi-mĂȘme ses besoins. Mais la vie domestique est telle que, au bout de quelques annĂ©es dâexistence commune, lâinterdĂ©pendance croĂźt au point de paralyser chaque partenaire lorsque les circonstances dĂ©truisent leur bel arrangement, la femme en Ă©tant gĂ©nĂ©ralement trĂšs affectĂ©e, lâhomme beaucoup moins, en principe. LâĂ©pouse nâa fait quâune seule chose dans une sphĂšre isolĂ©e, et mĂȘme si elle a peut-ĂȘtre appris Ă bien la faire (ce qui nâest pas sĂ»r, parce que la mĂ©thode de formation nâest absolument pas satisfaisante), de toute façon cela ne lui a pas donnĂ© la confiance nĂ©cessaire pour gagner sa vie de façon indĂ©pendante. TimorĂ©e, elle sâavĂšre le plus souvent incapable de sâengager dans la lutte. Elle est passĂ©e Ă cĂŽtĂ© du monde de la production, elle ne le connaĂźt absolument pas. Dâun autre cĂŽtĂ©, quelle sorte de mĂ©tier peut-elle exercer ? Devenir lâemployĂ©e de maison dâune autre femme qui la dominera ? Les conditions de travail et la rĂ©munĂ©ration des services domestiques sont telles que nâimporte quel esprit indĂ©pendant prĂ©fĂ©rerait ĂȘtre esclave dans une usine : au moins lâesclavage est limitĂ© Ă une quantitĂ© fixe dâheures.
Quant aux hommes, permettez-moi de vous raconter une anecdote : il y quelques jours de cela, un syndicaliste trĂšs combatif mâa dĂ©clarĂ©, apparemment sans la moindre honte, quâil vivrait comme un vagabond et un ivrogne sâil ne sâĂ©tait pas mariĂ©, parce quâil ne se sent pas capable de tenir une maison. Leur accord mutuel a surtout un mĂ©rite, Ă ses yeux : son Ă©pouse sâoccupe bien de son estomac. Jamais je nâaurais pensĂ© que quelquâun puisse admettre se trouver dans un tel Ă©tat dâimpuissance, mais cet homme mâa sans doute dit la vĂ©ritĂ©.
Ce type dâaveu est certainement une des plus graves objections contre le mariage, comme contre toute autre condition produisant de semblables rĂ©sultats. En choisissant sa position Ă©conomique dans la sociĂ©tĂ©, on devrait toujours veiller Ă ce quâelle vous permette de continuer Ă vivre sans aucun handicap â de façon Ă rester une personne entiĂšre, ayant toutes ses capacitĂ©s pour produire et se protĂ©ger elle-mĂȘme, un individu centrĂ© sur lui-mĂȘme.
Lâhypocrisie sexuelle des femmes
En ce qui concerne lâappĂ©tit sexuel, en dehors de la reproduction, les avocats du mariage prĂ©tendent, et avec de bonnes raisons, quâil procure une satisfaction normale Ă un appĂ©tit normal. Selon eux, il constitue un garde-fou physique et moral contre les excĂšs et leurs consĂ©quences, les maladies. Nous avons sans cesse la preuve douloureuse que le mariage nâest pas trĂšs efficace sur ce plan-lĂ . Quant Ă ce quâil pourrait accomplir, il est presque impossible de le savoir ; car lâascĂ©tisme religieux a tellement implantĂ© le sentiment de la honte dans lâesprit humain, Ă propos du sexe, que notre premiĂšre rĂ©action, lorsquâon en discute, semble de mentir.
Câest particuliĂšrement le cas avec les femmes. La majoritĂ© dâentre elles souhaitent donner lâimpression quâelles sont dĂ©pourvues de dĂ©sir sexuel et pensent se dĂ©cerner le plus beau compliment lorsquâelles dĂ©clarent :
« Personnellement, je suis trĂšs froide ; je nâai jamais Ă©prouvĂ© une telle attraction. » Parfois elles disent la vĂ©ritĂ© mais, le plus souvent, il sâagit dâun mensonge â issu des enseignements pernicieux diffusĂ©s par lâĂglise pendant des siĂšcles. Une femme normalement constituĂ©e comprendra quâelle ne se rend pas hommage lorsquâelle se refuse le droit dâexister complĂštement, pour elle-mĂȘme ou par elle-mĂȘme ; il est certain que, lorsquâune telle dĂ©ficience se manifeste vraiment, dâautres qualitĂ©s peuvent se dĂ©velopper, ayant peut-ĂȘtre une plus grande valeur. En gĂ©nĂ©ral, cependant, quels que soient les mensonges des femmes, une telle dĂ©ficience nâexiste pas.
Habituellement, les ĂȘtres jeunes et sains des deux sexes dĂ©sirent avoir des relations sexuelles. Le mariage est-il donc la meilleure rĂ©ponse Ă ce besoin humain ?
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Les effets catastrophiques de la cohabitation
Supposons quâils se marient, disons Ă vingt ans, ou quelques annĂ©es plus tard, ce qui est gĂ©nĂ©ralement le cas puisque lâappĂ©tit sexuel est le plus actif Ă cet Ăąge ; les deux partenaires (et pour le moment je mets de cĂŽtĂ© la question des enfants) se trouveront trop (et trop frĂ©quemment) en contact. Rapidement ils ne savoureront plus la prĂ©sence de lâautre. Lâirritation commencera. Les petits dĂ©tails mesquins de la vie commune amĂšneront le mĂ©pris. Ce qui Ă©tait autrefois une joie exceptionnelle deviendra un automatisme, et dĂ©truira toute finesse, toute dĂ©licatesse. Souvent la cohabitation se transformera en une torture physique pour lâun des partenaires (le plus souvent la femme) tandis quâelle procurera encore un peu de plaisir Ă lâautre, et ce pour une raison simple : les corps, tout comme les Ăąmes, Ă©voluent rarement, voire, jamais de façon parallĂšle.
Ce manque de parallĂ©lisme est la plus grave objection que lâon puisse opposer au mariage. MĂȘme si deux personnes sont parfaitement et constamment adaptĂ©es lâune Ă lâautre, rien ne prouve quâelles continueront Ă lâĂȘtre durant le reste de leur existence. Et aucune pĂ©riode nâest plus trompeuse, en ce qui concerne lâĂ©volution future, que lâĂąge dont je viens de parler. LâĂąge oĂč les dĂ©sirs et les attractions physiques sont les plus forts est aussi le moment oĂč ces mĂȘmes dĂ©sirs obscurcissent ou rĂ©frĂšnent dâautres Ă©lĂ©ments de la personnalitĂ©.
Les terribles tragĂ©dies de lâantipathie sexuelle, qui produisent le plus souvent de la honte, ne seront jamais dĂ©voilĂ©es. Mais elles ont causĂ© dâinnombrables meurtres sur cette terre. Et mĂȘme dans les foyers oĂč lâon a maintenu lâharmonie et oĂč, apparemment, rĂšgne la paix conjugale, un tel climat familial nâest possible que parce que lâhomme ou la femme sâest rĂ©signĂ©, a niĂ© sa propre personnalitĂ©. Lâun des partenaires accepte de sâeffacer presque totalement pour prĂ©server la famille et le respect de la sociĂ©tĂ©.
Si ces phĂ©nomĂšnes, cette dĂ©gradation physique sont horribles, rien nâest plus terrible que la dĂ©vastation des Ăąmes. Lorsque la pĂ©riode de lâattraction physique prĂ©dominante prend fin et que les tendances de chaque Ăąme commencent Ă sâaffirmer de plus en plus ouvertement, rien nâest plus affreux que de se rendre compte que lâon est liĂ© Ă quelquâun, que lâon va vivre jusquâĂ sa mort avec une personne dont on sent que lâon sâĂ©loigne chaque jour de plus en plus. « Pas un jour de plus ensemble ! » affirment les partisans de lâunion libre. Je trouve de tels slogans encore plus absurdes que les discours des avocats de la « saintetĂ© » du mariage. Les liens existent, les liens de la vie commune, lâamour du foyer que lâon a construit ensemble, les habitudes associĂ©es Ă la cohabitation et Ă la dĂ©pendance ; il nâest pas facile de se dĂ©barrasser de ces vĂ©ritables chaĂźnes, qui tiennent prisonniers les deux partenaires. Ce nâest pas au bout dâun jour ou dâun mois, mais seulement aprĂšs une longue hĂ©sitation, une longue lutte et des souffrances, des souffrances trĂšs Ă©prouvantes, que la sĂ©paration dĂ©chirante se produira. Et souvent elle ne se produit mĂȘme pas.
Deux exemples
Un chapitre de la vie de deux hommes rĂ©cemment dĂ©cĂ©dĂ©s illustrera mon propos. Ernest Crosby a fait un mariage, je suppose heureux, avec une femme Ă lâesprit et aux sentiments conservateurs. Ă lâĂąge de 38 ans, alors quâil officiait comme juge Ă la cour internationale du Caire, il est devenu pacifiste.5 Mais sa conception de lâhonneur lâa obligĂ© Ă continuer Ă assurer des fonctions sociales quâil mĂ©prisait ! Pour citer lâun de ses amis, Leonard Abbot, « il vivait comme un prisonnier dans son palais, servi par des domestiques et des laquais. Et Ă la fin il est devenu lâesclave de ses biens ». Si Crosby nâavait pas Ă©tĂ© attachĂ© par les liens du mariage et des relations familiales Ă quelquâun ayant des conceptions de la vie et de lâhonneur trĂšs diffĂ©rentes des siennes, le bilan de sa vie nâaurait-il pas Ă©tĂ© plus positif ? Comme son maĂźtre Ă penser TolstoĂŻ, sa vie contredisait ses oeuvres parce quâil Ă©tait mariĂ© avec une femme qui ne sâĂ©tait pas dĂ©veloppĂ©e parallĂšlement Ă lui.
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Le second exemple est celui de Hugh O. Pentecost. Ă partir de 1887, quelles que soient ses tendances spĂ©ciales, Pentecost sympathisa avec la lutte du mouvement ouvrier, sâopposant Ă lâoppression et Ă toutes les formes de persĂ©cution. Cependant, sous lâinfluence de ses relations familiales, et parce quâil sentait quâil devait atteindre un plus grand confort matĂ©riel et un meilleur standing social que ce que pouvait lui apporter sa position de confĂ©rencier radical, il consentit, Ă partir dâun certain moment, Ă devenir la marionnette de ceux quâil avait si sĂ©vĂšrement condamnĂ©s, en acceptant le poste de procureur. Pire encore : il prĂ©tendit avoir Ă©tĂ© trompĂ© comme un enfant lorsquâil avait commis la plus belle action de sa vie en protestant contre lâexĂ©cution des anarchistes de Chicago en 1886. Que lâinfluence familiale ait pesĂ© sur lui, je lâai appris de sa propre bouche ; Pentecost nâa fait que rĂ©pĂ©ter, Ă une plus petite Ă©chelle, la trahison de Benedict Arnold6 qui, pour lâamour de sa femme aux idĂ©es conservatrices laissa tout le poids de lâinfamie peser sur lui. Je sais quâil sâest sans doute servi de cette excuse, quâil sâest rĂ©fugiĂ© derriĂšre le vieil argument de la tentation dâĂve, mais ce facteur a certainement jouĂ© un rĂŽle. Jâai Ă©voquĂ© ces deux cas parce quâil sâagit dâhommes publics ; mais chacun de nous connaĂźt de tels exemples chez des personnes beaucoup moins cĂ©lĂšbres, et câest frĂ©quemment la femme dont les aspirations personnelles et intellectuelles sont avilies par les liens du mariage.
Et ceci nâest quâune facette du problĂšme. En effet, que penser de lâindividu conservateur qui se trouve liĂ© Ă quelquâun qui offense constamment tous ses principes ? Les ĂȘtres humains ne peuvent penser de la mĂȘme façon et Ă©prouver les mĂȘmes sentiments au mĂȘme moment, sur une longue durĂ©e ; câest pourquoi les pĂ©riodes durant lesquelles ils nouent des liens ne devraient ĂȘtre ni frĂ©quentes ni contraignantes.
LâĂ©ducation des enfants
Mais revenons Ă la question des enfants. Dans la mesure oĂč il sâagit dâun dĂ©sir normal, ne peut-il ĂȘtre satisfait sans le sacrifice de la libertĂ© individuelle requis par le mariage ? Je ne vois aucune raison pour que ce soit impossible. Un enfant peut ĂȘtre Ă©levĂ© aussi bien dans un foyer, dans deux foyers ou dans une communautĂ© ; la dĂ©couverte de la vie sera bien plus agrĂ©able si elle a lieu dans une atmosphĂšre de libertĂ© et de force indĂ©pendante que dans un climat de rĂ©pression et de mĂ©contentement cachĂ©s. Je nâai aucune solution satisfaisante Ă offrir aux diffĂ©rentes questions que pose lâĂ©ducation des enfants ; mais les partisans du mariage sont dans le mĂȘme cas que moi.
Par contre, je suis convaincue quâaucune des exigences de la vie ne devrait empĂȘcher un dĂ©veloppement personnel et libre dans lâavenir. Les vieilles mĂ©thodes dâĂ©ducation des enfants, sous le joug indissoluble des parents, nâont pas donnĂ© des rĂ©sultats convaincants. (Les parents conservateurs se dĂ©solent sans doute dâavoir des enfants contestataires, mais il ne leur vient probablement pas Ă lâesprit que leur systĂšme est en cause.) Lâunion libre donne des rĂ©sultats, qui ne sont ni meilleurs ni pires. Quant Ă lâenfant Ă©levĂ© par un seul parent, il nâest ni plus malheureux ni plus heureux quâun autre. Des journaux comme Lucifer7 regorgent dâhypothĂšses, de thĂ©ories et de propositions dâexpĂ©riences, mais jusquâici on nâa jamais trouvĂ© de principes dâĂ©ducation infaillibles pour les parents, biologiques ou adoptifs. Câest pourquoi je ne vois pas pourquoi lâindividu devrait sacrifier le reste de sa vie en faveur dâun Ă©lĂ©ment aussi incertain.
Si vous voulez que lâamour et le respect puissent durer, ayez des relations peu frĂ©quentes et peu durables. Pour que la Vie puisse croĂźtre, il faut que les hommes et les femmes restent des personnalitĂ©s sĂ©parĂ©es. Ne partagez rien avec votre amant(e) que vous ne partageriez avec un( e ) ami( e ). Je crois que le mariage dĂ©fraĂźchit lâamour, transforme le respect en mĂ©pris, souille lâintimitĂ© et limite lâĂ©volution personnelle des deux partenaires. Câest pourquoi je pense que « le mariage est une mauvaise action ».
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1 Thomas Henry Huxley (1825â1895). Naturaliste britannique et dĂ©fenseur de la thĂ©orie de lâĂ©volution de Darwin.
2 Eduard von Hartman (1842â1906). Philosophe allemand. Selon lui, une force impersonnelle anime le monde et mĂšnera celui-ci Ă lâanĂ©antissement total. Pour Voltairine de Cleyre cette force inconsciente peut, au contraire, se transformer grĂące Ă lâaction consciente des hommes et conduire Ă la libĂ©ration de lâindividu.
3 D. H. Lum : mentor de Voltairine de Cleyre (cf. lâarticle de Chris Crass).
4 Alice Roosevelt : durant sa jeunesse, la fille du président Théodore Roosevelt aimait scandaliser son entourage. Elle épousa un congressiste playboy et devint une figure importante des coulisses de Washington.
5 AprĂšs avoir donnĂ© sa dĂ©mission de son poste de juge, Ernest Crosby Ă©crivit de nombreux articles et livres contre la guerre et contre lâimpĂ©rialisme amĂ©ricain.
6 Benedict Arnold (1741â1801) : gĂ©nĂ©ral qui servit la cause de la RĂ©volution amĂ©ricaine, puis fit allĂ©geance aux Britanniques aprĂšs sâĂȘtre mariĂ© Ă une fervente loyaliste. Il est considĂ©rĂ© comme le type mĂȘme du traĂźtre, puisquâil fut non seulement vĂ©nal (il exigea beaucoup dâargent pour ses renseignements) mais lĂąche (il fit pendre un espion Ă sa place).
7 Lucifer, the Light Bearer : journal animĂ© pendant vingt-quatre ans par Moses Harman (1830â1910). FĂ©ministe, partisan du contrĂŽle des naissances et de lâunion libre, il fit de son journal une tribune libre de discussion sur la sexualitĂ©. CondamnĂ© Ă un an de travaux forcĂ©s Ă lâĂąge de 75 ans pour ses positions, en vertu des lois Comstock.
BibliothĂšque Anarchiste Anti-copyright
Voltairine de Cleyre
Le Mariage est une mauvaise action 1907
Source :

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